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Jean-Paul Huftier: portrait
Lui-même n'appréciant guère l'exercice biographique, on fera grâce à Jean-Paul Huftier de ne l'en pas trop embarrasser quoiqu'il puisse sembler utile de rappeler qu'outre qu'il est natif de Lallaing (59), en bordure de la Scarpe, soit à l'exacte frontière entre les Flandres et le Hainaut, il est myope et son père charcutier. Pour la première partie de l'assertion, rappelons que le très ancien blason de Lallaing est De gueules à dix losanges d'argent accolés et aboutés, trois, trois, trois et un... Quant à la seconde partie de l'assertion précédente, l'intéressé en confie lui-même, «Il m'est encore difficile de décider si les hirondelles grises ont eu pour mon avenir plus d'importance que les cochons morts, de savoir si ma forte myopie a définitivement marqué les six premières années de ma vie plutôt que les milliers de porcs saignés, brûlés, éventrés, morcelés, hachés menus par mon père. Ou bien est-ce que les vaines tentatives de ma mère et de ma sœur, à ma sixième année, l'âge des premières lunettes, pour m'enseigner le solfège et le piano ont irrémédiablement orienté mon envie de négliger tout enseignement sérieux pour déjà essayer de casser le sens des autres? Mon premier isolement de myope m'a évidemment donné la peur de l'espèce humaine et je pense seulement maintenant essayer une réconciliation.»[1] On se gardera, dès lors de deux tendances contraires et pareillement fautives, constituant pour l'une à s'attacher à l'excès aux détails donnés par l'intéressé, de l'autre à les négliger tant, dans sa peinture comme dans le reste, il faut croire ce que l'on voit de Huftier et ne jamais s'y fier entièrement. Gardons pour certains quelques détails. D'abord, les premières expositions ont été organisées en 1971 à Paris, à la Librairie-Galerie Josie Peronet à la M.J.C. "Les Hauts de Belleville" toujours à Paris. Puis cela n'a jamais cessé. Ensuite, Jean-Paul Huftier est peintre. Lorsqu'on l'interrogeait sur le «mépris de la peinture rencontré fréquemment aujourd'hui dans le milieu de l'art», il tranchait, «L'art n'a pas de milieu»[2]. Enfin, plus que les expositions, les voyages scandent le parcours. La Chine en 1986 où, avec son compère Norbert Cassegrain, ils bloquent la circulation d'une artère pékinoise parce qu'en dessinant à son bout de rue, chacun provoque un attroupement de curieux; l'Inde en 1987 : le sous-continent sera un leitmotiv de l'imaginaire de ce voyageur qui aiment les lieux plus que le déplacement. La Sologne où il s'installe pour peindre à partir de 1989, recèle autant de magie exotique que Jaipur. Pas de relations de voyage, pas de pages de carnets pour faire exotique, «les tableaux du retour ne sont pas ceux du réel ni de l'expérience. La conception du voyage ne ressemble en rien à son expérimentation d'où la nécessité de sa réalisation»[3]. En revanche peut-on rapprocher cette logique de confrontation de l'émotion à l'action à la pratique de la performance. Souvent, comme en novembre 1993, dans un salon d'antiquaire, avec un boa nommé Jessica, un modèle et le saxophoniste Steve Potts -vieux complice de ces aventures- Jean-Paul Huftier a disposé de grands lais de papier au sol. Il a pris ses bidons d'encre, une branche ou une plume de vautour suivit d'un grand bol d'air, et il a réalisé[média]. Jean-Paul Huftier ressemble au poète Victor Segalen. Comme lui il a voyagé, comme lui il a éprouvé le réel, comme lui il a ouvert des fenêtres, mais pour se glisser vers l'intérieur avec un certain air goguenard. |
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